Saturne par Polidoro da Caravaggio au XVIe siècle |
Saturne, en
grec Cronos
Fils puîné
d’Uranus et de l’antique Vesta, ou du Ciel
et de la Terre, Saturne, après avoir détrôné son père, obtint
de son frère aîné Titan la faveur de régner à sa place.
Titan toutefois y
mit une condition, c’est que Saturne ferait périr toute sa postérité mâle,
afin que la succession au trône fût réservée aux propres fils de Titan.
Saturne épousa Rhéa, dont il eut plusieurs fils qu’il dévora avidement, ainsi qu’il en était convenu avec
son frère. Sachant d’ailleurs qu’un jour, il serait lui aussi renversé du trône
par un de ses fils, il exigeait de son épouse qu’elle lui livrât les
nouveau-nés.
Cependant, Rhéa
parvint à sauver Jupiter. Celui-ci, étant devenu grand, fit la guerre à son
père, le vainquit, et, après l’avoir traité comme Uranus avait été
traité par ses fils, il le chassa du ciel. Ainsi la dynastie de Saturne
se continua au détriment de celle de Titan.
Saturne eut trois
fils de Rhéa, qui parvint à les sauver avec la même adresse : Jupiter,
Neptune et Pluton, et une fille, Junon, sœur jumelle et
épouse de Jupiter.
Quelques-uns
y ajoutent Vesta, déesse du feu, et Cérès, déesse des moissons.
Il eut en outre un grand nombre d’enfants de plusieurs autres femmes, comme le centaure
Chiron de la nymphe Philyre, etc.
On dit que Saturne,
détrôné par son fils Jupiter, et réduit à la condition de simple mortel,
vint se réfugier en Italie, dans le Latium, y rassembla les
hommes féroces, épars dans les montagnes, et leur donna des lois. Son règne fut
l’âge d’or, ses paisibles sujets étant gouvernés avec douceur. L’égalité des
conditions fut rétablie ; aucun homme n’était au service d’un autre ; personne
ne possédait rien en propre ; toutes choses étaient communes, comme si tous
n’eussent eu qu’un même héritage.
C’était pour
rappeler la mémoire de cet âge heureux qu’on célébrait à Rome les Saturnales.
Ces fêtes,
dont l’institution remontait dans le passé bien au-delà de la fondation de la
ville, consistaient principalement à représenter l’égalité qui régnait
primitivement parmi les hommes. Elles commençaient le 16 décembre
de chaque année : d’abord elles ne durèrent qu’un jour, mais l’empereur Auguste
ordonna qu’elles se célèbrent pendant trois jours, auxquels plus tard Caligula
ajouta un quatrième. Pendant ces fêtes, on suspendait la puissance des maîtres
sur leurs esclaves, et ceux-ci avaient le droit de parler et d’agir en toute
liberté. Tout ne respirait alors que le plaisir et la joie : les tribunaux et
les écoles étaient en vacances ; il n’était permis ni d’entreprendre aucune
guerre, ni d’exécuter un criminel, ni d’exercer d’autre art que celui de la cuisine
; on s’envoyait des présents, et l’on se donnait de somptueux repas. De plus, tous
les habitants de la ville cessaient leurs travaux : la population se portait en
masse vers le mont Aventin, comme pour y prendre l’air de la campagne.
Les esclaves pouvaient critiquer les défauts de leurs maîtres, jouer contre
eux, et ceux-ci les servaient à table, sans compter les plats et les morceaux.
En
grec,
Saturne est désigné sous le nom de Cronos, c’est-à-dire le Temps.
L’allégorie est transparente dans cette fable de Saturne. Ce dieu qui
dévore ses enfants n’est, dit Cicéron, que le Temps lui-même, le Temps
insatiable d’années, et qui consume toutes celles qui s’écoulent. Afin de le
contenir, Jupiter l’a enchaîné, c’est-à dire l’a soumis au cours des
astres qui sont comme ses liens.
Les Carthaginois
offraient à Saturne des sacrifices humains : ses victimes étaient des
enfants nouveau-nés. À ces sacrifices, le jeu des flûtes et des
tympanons ou tambours faisait un si grand bruit que les cris de l’enfant immolé
ne pouvaient être entendus.
À Rome,
le temple que ce dieu avait sur le penchant du Capitole fut dépositaire du trésor
public, par la raison que, du temps de Saturne, c’est-à-dire durant l’âge d’or,
il ne se commettait aucun vol. Sa statue était attachée avec des chaînes qu’on
ne lui ôtait qu’au mois de décembre, époque des Saturnales.
Saturne
était communément représenté comme un vieillard courbé sous le poids des
années, tenant une faux à la main pour marquer qu’il préside au temps. Sur beaucoup
de monuments, il est représenté avec un voile, sans doute parce que les temps
sont obscurs et couverts d’un voile impénétrable.
Saturne ayant le
globe sur la tête est considéré comme étant la planète de ce nom.
Une gravure,
dite étrusque, le représente ailé, avec sa faux posée sur un globe ; c’est ainsi
que nous représentons toujours le Temps.
Le jour de Saturne
est celui que nous nommons samedi (Saturni dies).